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Pierre Delettre s’apprete a feter dignement la 50eme des Boucles de Spa
« On a pas mal de cerises sur le gâteau. Il ne manque plus que la crème fraîche !»
Pierre, cette année les Boucles de Spa fêtent leur 50ème édition, la 3ème au niveau Legend. Que cela vous inspire-t-il ?
« De la fierté. Quand j’ai hérité de cet événement à la mort de mon père Alphonse, les mauvaises langues prétendaient que cela ne durerait pas deux ans. J’en suis personnellement à ma 21ème édition en tant qu’organisateur. Mais on a dû se battre. Avec l’interdiction de la publicité pour le tabac, l’accident de Munster, la loi Peeters, la crise économique, cela n’a pas été simple. Fin 2004, j’ai d’ailleurs jeté le gant pour ne pas mettre le club en faillite. Mettre sur pied un rallye moderne était devenu trop contraignant, trop compliqué et pas assez rentable. On perdait des sous. Puis on a eu cette idée d’Historic avec la naissance en 2006 des Legend avec laquelle l’épreuve a véritablement ressuscité. »
Deux ans plus tard, vous présentez un plateau riche de 240 engagés, un record belge. Vous attendiez vous à pareil engouement?
« Honnêtement, pas aussi fort ni aussi vite. Ce qui nous arrive est assez incroyable. Cela motive toute l’équipe du RAC Spa. Le secret de ce succès est de proposer aux équipages un ratio plaisir-coût défiant toute concurrence. Participer à un rallye moderne est devenu beaucoup trop cher pour les simples amateurs. Avec les Legend, les anciens spectateurs nostalgiques des Boucles peuvent réaliser leur rêve en participant au rallye et en côtoyant les vedettes, tous frais compris, pour moins de 2500 euros à encore diviser en deux. Même sans sponsor, c’est jouable. En 50 km/h, vous pouvez vous engager avec une voiture d’origine, sans arceau, un casque de moto et une licence prise sur place. Comme à la belle époque.»
En plus de la quantité, il y a la qualité avec une affiche cinq étoiles comme on en a rarement vue en Belgique…
« On pensait avoir déjà réuni le plus beau plateau de l’histoire l’an dernier. Mais cette année, on a fait plus fort encore avec quatre vedettes étrangères. Jean Ragnotti c’est tellement bien amusé qu’il revient avec une Alpine gonflée et son ami Alain Serpaggi. Mais deux ex-stars du Mondial sont également de retour aux Boucles après une longue absence : Le Français François Delecour et le Finlandais Markku Alen qui totalisent à eux deux 26 victoires en WRC ! Ajoutez à cela quasi toutes les vedettes belges d’hier et d’aujourd’hui avec les Duval, Loix, Thiry, Duez, Snijers, Gaban, Van de Wauwer, de Mevius ou Henrard. C’est du jamais vu ! Les Legend sont vraiment devenues l’événement à ne pas rater. D’ailleurs le public ne s’y trompe pas en nous rejoignant aussi nombreux que dans le temps.»
Organiser un rallye Historic est-il plus rentable qu’une épreuve de D1 ?
« Les coûts sont comparables vu que les assurances et le plan de sécurité à mettre en place sont les mêmes que pour un rallye normal. Or l’entrée pour les spectateurs est gratuite et l’on n’a quasi pas de sponsors. La quasi totalité de nos rentrées financières vient donc des engagements, de la vente du programme et des buvettes. La première année avec 60 autos, on a perdu de l’argent. L’an dernier, le budget s’est équilibré. Et aujourd’hui, on devrait, sauf accident, récupérer l’investissement consenti il y a deux ans. Sur trois ans, la balance est donc positive. Mais cela devrait être parti pour quelques bonnes années car justement on ne dépend plus des importateurs ou de gros sponsors. »
Votre épreuve est divisée en deux grandes catégories : une centaine de Legend avec une moyenne imposée montée à 80 km/h et le reste de la troupe en Classic à du 50 km/h.
« Oui, chacun y roule ainsi selon sa philosophie. Les plus sportifs qui veulent « faire la course », les pilotes anciens ou actuels disposant de voitures préparées roulent en Legend avec une difficulté encore corsée par rapport à l’an dernier et une moyenne montée à 80 km/h (avec toujours des contrôles de passages) comme au Tour de Corse Historic. Mais tous les autres, les débutants ou gentlemen drivers peuvent très bien s’amuser en Classic avec des voitures de collection moins affûtées et un règlement calqué sur la vraie régularité Historique, avec des contrôles de moyenne secrets comme au Monte-Carlo. On ne devrait plus voir les pilotes s’arrêter et patienter avant la ligne d’arrivée.»
L’esprit général reste bien celui d’une épreuve secrète ?
« Tout à fait. Les reconnaissances sont interdites et le parcours ne sera dévoilé au public et aux concurrents que le samedi matin, une heure avant le départ. Vu les dérives constatées l’an dernier, un membre de notre équipe sera chargé de vérifier que personne n’emmène de cahier de notes des années précédentes. Ceux qui seront pris avec des notes seront pénalisés. Pour diminuer la vitesse et augmenter la difficulté, nous avons aussi modifié le parcours de pas mal de RT. Ainsi, les tracés de Francorchamps, Malmédy ou Stoumont sont totalement inédits même s’ils reprennent quelques passages connus. »
Après le camp militaire de Marche, il y aura aussi une RT toute nouvelle à Amonines, sur la commune d’Erezée.
« C’est la surprise du chef de Jean Caro, responsable de notre parcours, avec même une portion de bonne terre. Cela coupera la longue liaison entre Marche et La Redoute. »
Mais le gâteau d’anniversaire en lui-même cela reste bien sûr l’étape forestière de la Clémentine à parcourir deux fois de nuit cette année.
« Oui, cela reste la plus belle épreuve de Belgique, celle qui a sans doute le plus contribué au succès des Boucles. Aujourd’hui, il s’agit d’une zone protégée et les concurrents n’imaginent pas la chance qu’ils ont de pouvoir encore disputer ce « monument classé ». Aujourd’hui, plus personne en Belgique n’aurait jamais l’autorisation de faire passer ainsi un rallye et 240 voitures à deux reprises dans une forêt. Ce privilège, je le dois à des décennies de bonnes relations entre ma famille et les dirigeants locaux. »
Pierre, en une quarantaine d’éditions vécues depuis que vous étiez gamin, quels sont vos plus beaux souvenirs des Boucles de Spa?
«J’en ai plein. Ma première pensée remonte à 1989 lorsque j’avais réussi à monter une opération pour faire revenir sur une Lancia Integrale Stig Blomqvist, ancien vainqueur devenu grand ami de mon père. Sinon il y a eu les années d’or avec des voitures d’usine payées par les cigarettiers. 1986 fut ainsi une édition mémorable avec la Métro 6R4 de Duez, la Ford RS200 de Droogmans, une Lancia 037 pour Snijers, les Skoda d’usine, une Audi Quattro pour Bosch et finalement la victoire, sur la neige, de la Ford Sierra Gr.N de Jean-Claude Probst ! Enfin, plus récemment, en 2006, j’ai jubilé en voyant la RT du barrage de la Gileppe noire de monde pour le retour de la neige et la première des Legend. »
Avez-vous encore un rêve ou des idées d’évolution pour l’avenir ?
« Je ne pourrai d’office plus réaliser mes deux fantasmes qui étaient de voir mes deux rallymen préférés, Henri Toivonen et Colin McRae, dans la Clémentine. Pour le futur, j’espère développer la notoriété à l’étranger de notre épreuve afin d’attirer des pilotes anglais, italiens ou allemands possédant de superbes voitures. »
Un petit faible pour une auto en particulier ?
« L’an dernier, je vous aurais répondu sans hésiter la monstrueuse MG Métro 6R4. Mais malheureusement, la FIA a réagi et a interdit à sept Groupe B d’encore participer à des épreuves historiques : la Métro, la Ford RS200, la Lancia Delta S4, la Peugeot 205 T16, l’Audi Quattro S2, la BX et une Subaru Gr.B dont j’ignorais même l’existence. Cette année, on a de très belles autos comme la Quattro de Duez-Lux, la Triumph TR7 V8, des Alpine ex-usine ou de très belles Porsche et Escort BDA.»
Dernière question. Un vœu spécial pour le samedi 16 février ?
« Un peu de neige, mais pas trop. Ce serait sympa comme cerise supplémentaire sur le gâteau pour la cinquantième. Sinon, comme chaque année, je dirais bien sûr un rallye sans accident. On est tous là pour prendre du plaisir, pas pour se faire mal. »